Manfred Peters

Hommage à M. Manfred Peters,  Président de 2003 à 2007, prononcé le 7 mai, 2010 à Beyrouth par M. Louis Gerrekens (Ancien Vice-Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres, Université de Liège, Belgique, Secrétaire-générale de l’AFELSH)

Monsieur le Recteur,
Messieurs les Vice-recteurs,
Monsieur le Président de l’AFELSH,
Mesdames et Messieurs les Doyens,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,

Le colloque de l’AFELSH auquel nous participons avec tant de plaisir ici, à Beyrouth, est un des temps forts de la vie de notre association institutionnelle. Il regroupe des participants venus en nombre des horizons les plus divers et témoigne de notre vitalité. Celle-ci ne va pourtant jamais de soi, elle est à retravailler chaque jour, et une association comme l’AFELSH repose nécessairement sur le dynamisme, la volonté, la rigueur et – surtout – l’enthousiasme de ses dirigeants. J’ai ce soir le grand honneur et la tâche périlleuse de faire en quelques mots l’éloge de celui qui, pour la plupart d’entre nous, incarne sans nul doute au mieux ces qualités et qui a successivement redynamisé, porté puis accompagné l’AFELSH. Je veux parler – est-il seulement nécessaire de le préciser ? – de notre ancien président, le Professeur Manfred Peters.

Il faut dire tout d’abord que rien ne prédisposait Manfred à s’occuper un jour de questions de la francophonie. Il est – si j’ose dire – né germanophone, a étudié les langues germaniques, s’est spécialisé en sociolinguistique et a fait une brillante carrière de professeur d’allemand dans son université. L’allemand est donc un élément essentiel dans sa biographie, Manfred Peters est d’ailleurs aujourd’hui encore entre autres Président de l’Association pour la promotion de l’allemand en Wallonie ; à ce titre, il est un ardent défenseur de l’apprentissage par chacun de la langue du voisin et d’un multilinguisme actif. Il n’y a donc aucune opposition entre son engagement pour l’allemand et celui pour le français, que du contraire.

Du reste, Manfred Peters a toujours enseigné dans une université francophone, et le citoyen actif qu’il est sans conteste y a toujours pris plus que sa part de responsabilité : il a notamment dirigé le département d’allemand pendant 12 ans et a exercé la lourde tâche de doyen pendant 8 années. Pour l’anecdote, j’ajouterai qu’il a eu la chance toute particulière d’être doyen et même de présider la conférence des doyens des facultés de lettres francophones de Belgique au moment où Bologne produisait ses premiers effets chez nous. Que de réunions, de courriers, d’énergie il a fallu consacrer au passage délicat à ce nouveau système – et je tiens à dire ici, cher Manfred, que, par-delà les inévitables divergences de vue, j’ai souvent admiré à ces occasions ton inébranlable souci d’obtenir un consensus équitable entre nos facultés aux intérêts si divers. La concertation et le respect des accords passés étaient au cœur de tes préoccupations.

Le tableau que je viens de brosser en quelques traits suffirait à résumer bien des carrières dont nous dirions à juste titre qu’elles sont des carrières bien remplie. Mais il n’en va pas ainsi de celle de Manfred Peters. Je pensais bien le connaître, mais en 2004 il m’a fait découvrir un aspect de sa vie dont j’ignorais tout : Manfred Peters, voyageur infatigable, était devenu président de l’AFELSH et organisait un colloque au Sénégal. Je l’y ai accompagné, et je n’ai plus pu quitter l’AFELSH depuis. Tous ceux qui, comme moi, ont pu le voir et l’assister dans cet autre champ d’activités n’ont pu qu’être impressionné par l’efficacité, l’élégance rare et, pour tout dire, l’aura de Manfred dans cette fonction. Assisté par sa fidèle secrétaire, Mme Debu, Manfred réussissait l’étrange exploit de tout organiser sans avoir l’air d’y toucher. Rapide, efficace et d’une humanité constante, il s’est employé à mettre tout le monde à l’aise et à montrer à chaque participant qu’il était le bienvenu et avait une richesse à apporter au collectif. Plus encore que son indéniable apport intellectuel aux débats en eux-mêmes, c’est cette caractéristique d’une humanité curieuse de tout et bienveillante pour chacun que je tiens à souligner ici.

Lorsque Manfred a cessé de présider l’AFELSH, il en est devenu le conseiller présidentiel. Dans cette fonction encore, il a fait preuve de sa disponibilité pleine et entière. Présent à toutes les réunions, toujours partant pour toutes les missions, il a fait profiter le comité exécutif de son expérience et de son talent chaque fois que nous l’avons sollicité et cela avec une retenue et une discrétion remarquables.

Je m’en voudrais de transformer mon allocution en un interminable panégyrique, et je vais donc résumer : Manfred Peters est un mélange étonnant de rigueur et d’originalité, un citoyen solidement ancré dans son terroir et un citoyen du monde, un académique spécialisé dans l’analyse de la culture de l’écrit et un homme fasciné par les traditions orales, notamment celles de l’Afrique centrale.

Toute cette diversité de Manfred Peters peut sans doute se traduire par l’évocation d’un lieu. Nous sommes quelques-uns ici à avoir été reçus dans son bureau aux Facultés universitaires Notre Dame de la Paix à Namur. Ce bureau, le plus étrange que j’aie jamais vu, était un lieu habité, je ne trouve pas d’autre terme pour le décrire ; il était à lui seul une espèce de concentré, de microcosme dont le caractère hétéroclite apparent renvoyait à tous ces centres d’intérêts pour l’humain que je viens d’évoquer ici, et à bien d’autres encore que je ne saurais tous citer. Qui pourrait croire, mon cher Manfred, qu’il t’est resté assez de temps de loisir pour t’adonner à la sculpture ? C’est pourtant le cas, et – tu excuseras ce clin d’œil- ton personnage de Don Quichotte vaut à lui seul le détour.

Mon cher Manfred, je te connais assez pour savoir que tu ne m’en voudras pas de ne pas faire ici une liste exhaustive de tes titres et mérites, elle serait interminable. Je préfère souligner une fois encore la curiosité qui est à mes yeux une de tes qualités premières et qui se lit à travers tout ton parcours, jusque dans ses moindres détails. Deux exemples encore. A une époque où les cursus étaient linéaires, tu as étudié dans trois universités différentes : Namur, Liège et Gand ; féru de linguistique, tu n’as jamais complètement abandonné tes premières amours, la littérature – ne viens-tu pas d’ailleurs de publier une anthologie de textes littéraires en allemand ? Tous issus de minorités linguistiques nationales ?

Mesdames et Messieurs, l’éloge de quelqu’un est toujours intimement lié à l’idée de départ, à une page qui se tourne. Notre colloque s’est terminé ce vendredi par l’élection d’un nouveau comité exécutif, et une nouvelle ère s’ouvre pour l’AFELSH. Mais après ce moment si symbolique, il n’était que juste de jeter un regard vers ce passé qui nous a portés et qui met la barre très haut pour le futur qui commence. En guise de conclusion, permettez-moi de dire au nom de l’AFELSH à notre ancien président ce qui est à mes yeux le plus beau des compliments :

Merci, Monsieur Peters.