Jarjoura Hardane

Monsieur le Président de l’AFELSH,
Mesdames les Doyennes,
Messieurs les Doyens,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,

Cher Jarjoura,
Nous venons de vivre ici, à Yaoundé, un des temps forts de l’AFELSH, un colloque qui va initier une nouvelle structuration de la formation doctorale en français dans cette grande région africaine. Un début, donc – mais, en même temps, une fin, la fin d’un cycle, puisque dans la foulée notre comité exécutif a cédé sa place à un nouveau comité, qui vient de prendre ses fonctions aujourd’hui même.

Au terme de trois ans, un passage de témoin vient d’avoir lieu avec la satisfaction du devoir accompli, d’avoir remis l’équipe sur les rails – et je suis très heureux de pouvoir ce soir en remercier publiquement notre Président sortant, Jarjoura Hardane.
Pour ceux qui ne le connaissent pas bien, permettez-moi de retracer brièvement son parcours académique. Le Professeur Hardane a un CV des plus éloquent ; il a obtenu successivement une belle brochette de diplômes, à savoir :
– une Licence en lettres françaises
– une Licence en philosophie
– un Certificat de Linguistique générale, ainsi qu’un parcours complet en lettres arabes : Licence, maîtrise, DEA et Doctorat (Thèse : « l’enseignement de l’arabe aux étrangers »)

Son parcours professionnel n’est pas moins impressionnant ; je n’en citerai que quelques étapes marquantes, toutes révélatrices de son profond engagement institutionnel, de cette volonté de ne pas être un témoin passif, de prendre les choses en main qui l’a conduit tout naturellement à devenir président de notre réseau institutionnel il y a trois ans.
Bien évidemment, comme pour chacun d’entre nous, il y a eu la charge d’enseignement. Jarjoura Hardane a ainsi eu des charges d’enseignements en didactique de l’arabe, en traduction et traductologie et en linguistique à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth de 1975 à 1989, à l’Université de Toulouse – Le Mirail de 1989 à 1996 pour revenir en 1997 au bercail, à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, où il professe toujours. En même temps, il a eu un parcours administratif très lourd et très long, si vous me passez cette expression. Jugez plutôt.

Une de ses grandes fiertés est la direction de l’Ecole de Traducteurs et d’Interprètes de Beyrouth de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, qu’il a exercée de 1981 à 1989 ; quelques années plus tard, il est devenu Doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, et ce de 2000 à 2012, soit pendant 12 années, ce qui n’est vraiment pas une sinécure, vous en conviendrez. Mais Jarjoura est insatiable, à l’heure où d’aucuns attendent l’heure de la retraite avec impatience, lui poursuit inlassablement au-delà de l’âge légal – il est actuellement toujours Directeur de l’Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société » de son alma mater. Quel bel appétit de travail et, plus encore, de servir.
Voilà en quelques traits brefs le parcours académique d’un homme qui, j’en suis sûr, a bien souvent dû chercher les moments où il pourrait enfin effectuer des travaux de recherche et en publier les résultats – mais il en a trouvé, puisqu’on lui doit des ouvrages et articles dans les domaines de l’enseignement de l’arabe, de la didactique de l’arabe, de la traduction et de la traductologie, et cela dans des revues logées dans plusieurs continents qui plus est.

Voici une dizaine d’années, ce Doyen libanais, comme il aimait à se présenter, a fait ses premiers pas à l’AFELSH, et il ne l’a plus quittée depuis. Il en est un des membres et animateurs les plus fidèles, et il a été un des premiers à solliciter une évaluation de qualité de sa Faculté, preuve s’il en est de sa capacité à se remettre en cause. Quand il est devenu Président, en 2010, succédant à George Lang, le réseau était face à de nombreuses inconnues qui mettaient en danger jusqu’à sa survie même. D’une part, les règles de la collaboration avec l’AUF subissaient un profond aménagement qu’il convenait d’intégrer au plus vite, ce qui n’a pas été sans problème. En effet, il n’est jamais aisé de remettre en cause tout un système rodé au moment même où on change une partie importante de l’attelage. D’autre part, il a rapidement fallu acter la disparition sans traces de plusieurs membres du comité pour des raisons indépendantes de l’AFELSH, et sur lesquelles je ne m’étendrai guère. Bref : je me demande souvent, Jarjoura, si tu imaginais seulement, en acceptant de devenir Président, que tu aurais autant de travail à abattre quasi quotidiennement, autant de milliers de courriels à traiter. Mais tu as relevé les défis, et le bilan de ta mandature est certainement un des plus beaux qu’un comité exécutif de l’AFELSH ait eu à présenter. En effet, ton mandat se caractérise par des actions nombreuses et diversifiées dans les différents domaines où nous nous sommes promis d’intervenir. Ainsi, des évaluations de faculté ont eu lieu, celle de la Falsh de Yaoundé I l’an passé, qui nous a valu les éloges du Ministre lui-même, et celle de Douala la semaine dernière, où tu as poussé le vice jusqu’à faire partie de l’équipe des experts. Une première pour toi, mais certainement pas une dernière !

Mais il y a eu aussi la poursuite d’initiatives antérieures, la mise sur pied du CODFREURCOR, les réunions à Liège, Paris et Tbilissi, avec tout ce qui en a découlé. Mais je ne veux pas ici faire une liste exhaustive, elle serait lassante, je n’évoquerai plus que deux moments révélateurs. D’abord, l’acceptation par l’AUF de notre plan d’action triennal 2013-2015 a été le premier signe tangible que notre réseau était reparti sur des bases saines et qu’il avait compris les nouvelles modalités de fonctionnement ; ensuite, l’élection il y a peu de Heinz Bouillon, le candidat de l’AFELSH, au sein du conseil scientifique de l’AUF a confirmé ce retour à la stabilité de notre réseau.

Voilà pour le bilan institutionnel – il me reste à dire un mot sur l’homme. Il m’a fallu quelque temps pour comprendre que la modestie de notre Président n’était pas feinte et que les éloges le mettent vraiment mal à l’aise, il n’abhorre rien tant que d’être mis à l’avant-plan. Aussi, Jarjoura, un petit conseil pour la minute qui vient : bouche-toi les oreilles, car je vais encore te faire souffrir. Car tu mérites les éloges : tu as été un Président modéré et diplomate, respectueux avant toutes choses des hommes, que tu as horreur de blesser. Tu préféreras toujours l’humour à la menace. Plus que tout autre, moi qui suis en copie de presque tous tes courriels afelshiques, j’ai pu voir ta patience, ton refus de t’énerver, et admirer les précautions que tu prends pour rappeler quelqu’un à l’ordre. En outre, tu n’as aucune difficulté à reconnaître l’une ou l’autre faiblesse, et alors tu fais appel à l’équipe, qu’ainsi tu valorises.

Maintenant, ça va, tu peux rouvrir les oreilles, j’en viens à ma conclusion. Avoir travaillé avec toi pendant 10 ans, et plus particulièrement ces trois dernières années, m’a fait découvrir un Homme avec un grand H, fin lettré et humaniste, et je tiens à te dire que tu as placé la barre tellement haut que tu en es devenu un défi majeur pour notre nouvelle équipe. Mais comme tu en fais partie toi aussi, je suis sûr que tu sauras parfaitement jouer ton rôle de conseiller avec discrétion, s’il y a bien une fonction que nul ne craint de te voir embrasser, c’est celle si désagréable de belle-mère. Bref : Jarjoura, au nom de tout le comité exécutif sortant, merci !

Louis Gerrekens,
Vice-président de l’AFELSH, 2013-2016